Tous les pédagogues connaissent les stratégies et les leviers qui facilitent l’apprentissage. Ces connaissances empiriques sont aujourd’hui démontrées grâce aux neurosciences. Voici un court état de l’art en la matière exposé dans cette vidéo publiée sur ma chaîne Youtube

Le développement récent des neurosciences a permis d’identifier 4 facteurs principaux de la réussite d’un apprentissage. Ces piliers sont connus depuis longtemps des pédagogues, des enseignants et des formateurs. Cependant, les récentes découvertes issues des neurosciences ont apporté à ces connaissances un socle scientifique.

Quels sont ces 4 piliers ?

  1. L’attention

Audrey Akoun et Isabelle Pailleau, auteures du livre « La pédagogie positive », définissent l’attention comme :

« Le mouvement cérébral qui va nous permettre d’orienter notre action en fonction d’un objectif, d’un centre d’intérêt. Grâce à elle, nous captons, par nos cinq sens, les différentes informations en provenance, soit de notre environnement, soit de notre ressenti émotionnel ou psychologique. »

Ce qui est confirmé aujourd’hui grâce à l’apport des neurosciences c’est que :

  • Pour apprendre, il est important de focaliser, de porter son attention sur un objet pour mieux le mémoriser.
  • Il fait éviter les sources de distraction.
  • Le cerveau maintient son attention maximale pendant 12 à 15 minutes, puis baisse sa fréquence pour se ressourcer pendant quelques secondes à plusieurs minutes suivant l’activité et les stimuli externes.

Comment peut-on renforcer les capacités d’attention en situation d’apprentissage ?

  • Rendre l’apprentissage attrayants (par le sujet, les matériaux utilisés, …).
  • Limiter voire supprimer les éléments distractifs.
  • Susciter la curiosité : pour cela, on peut énoncer les croyances limitantes puis les déconstruire. Les exercices de représentations poursuivre précisément cet objectif.
  • Identifier ou ressentir un manque. C’est tout l’enjeu des exercices de découverte qui permettent à l’apprenant de se confronter à une difficulté dont il n’a pas nécessairement conscience.
  • Espacer les périodes d’apprentissage et répartir le temps alloué à celui-ci (4 X 30 mn plutôt qu’une ou deux heures)
  • Varier les thèmes abordés.

Comment peut-on renforcer ses capacités d’attention, de façon générale en dehors des périodes d’apprentissage ?

En voici quelques exemples :

  • Méditer
  • Pratiquer des activités de motricité fine
  • Pratiquer d’un instrument de musique
  • Bien dormir : le sommeil prépare le cerveau à apprendre et à encoder de nouvelles informations.
  1. L’engagement actif

Confucius disait : « J’entends, j’oublie. Je vois, je me souviens. Je fais, je comprends. »

Stanislas Dehaene, psychologue cognitiviste et neuroscientifique français, précise : « Un organisme passif n’apprend pas. L’apprentissage est optimal lorsqu’on alterne des temps d’apprentissage et des temps de test des connaissances. »

Par ailleurs, des études montrent que le temps passé à apprendre importe moins que le nombre de tests réalisés via des exercices.

Comment peut-on susciter l’engagement ?

Si l’on fait un petit détour par les phases d’apprentissage, consciente. A ce stade, la personne est un ignorant, il ne sait pas qu’il ne sait pas. Le passage à la 2e phase suppose soit une curiosité intrinsèque ou une appétence pour tel ou tel objet d’apprentissage, soit la confrontation à une situation-problème.

Par exemple, je suis assistante de et mon métier ne nécessite pas que je sache parler en public. Je suis en phase d’Incompétence Inconsciente. Et puis, un jour, je dois remplacer au pied levé mon responsable hiérarchique en réunion et là, je découvre, et c’est probablement douloureux, que je ne sais pas très bien prendre la parole en public.

Arrivée ici, notre assistante, est confronté à une alternative :  je refuserais désormais de me retrouver dans une telle situation ou bien je saisis l’opportunité et je décide d’entrer en apprentissage, de me former à la prise de parole en public.

Comment renforcer l’engagement en situation d’apprentissage ?

  • Apprendre quelque chose qui plaît et intéresse.
  • Entrevoir un bénéfice à court ou moyen terme (fierté personnelle, résolution d’un problème, Remise de diplôme/certificat, mobilité, …)
  • Décrire « ce que l’on sait faire » et le montrer
  • Recevoir du feedback positif dès le début
  • Répondre à des questions et interagir avec des pairs et avec un formateur
  • Tester les connaissances par des exercices, des évaluations formatives, des mini-tests, des examens, …

Tout formateur sait à quel point la phase d’Incompétence Consciente peut être douloureuse. Il est donc important de rassurer, relativiser et dédramatiser pour éviter que l’apprenant s’arrête en chemin. L’enjeu ici est donc de faciliter la décision d’apprendre et de donner envie d’y aller.

Dans notre exemple de l’assistante, il sera utile de trouver les arguments pour l’amener à choisir la 2e option à savoir : me former à la prise de parole en public. Un argument pourrait être que cette situation va se reproduire de plus en plus fréquemment dans la mesure où son responsable est appelé à se déplacer plus régulièrement à l’étranger.

« Ne pas savoir est mauvais. Ne pas vouloir savoir est pire. » (Proverbe africain)

Notre assistante va ainsi passer de la phase 2 (Incompétence Consciente) à la phase 3 (Compétence Consciente).
Cette étape requiert évidemment de l’attention, de l’engagement et du retour d’information. Elle sera ainsi nourrie pas 3 des 4 piliers de l’apprentissage. L’ignorant devient ici un apprenti. Il doit faire preuve d’humilité, redoubler d’effort, surmonter les obstacles, reconnaître ses erreurs. Il se sentira parfois découragé. Une des difficultés majeures et d’accepter la remise en cause, tant que le plan psychique, affectif que cognitif.

En effet, comme le disait Gaston Bachelard (philosophe des sciences) :
« On connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant les connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit même, fait obstacle ».

Il semble que quand on apprend, la conception antérieure ne disparaîtrait jamais vraiment et ce serait l’inhibition cérébrale qui prendrait le relais pour que la conception apprise puisse émerger face à la croyance.
Ainsi, apprendre serait à la fois changer de conceptions mais aussi apprendre à contrôler ses conceptions initiales pour arriver à une connaissance nouvelle.
Or, ceci peut être douloureux et faire obstacle à un engagement pérenne dans l’apprentissage. Ici encore les exercices de découverte sont des outils précieux pour le formateur.

  1. Le retour d’information

Recevoir un retour d’information immédiat (appelé encore feedback) sur l’action en cours est constitutif de l’apprentissage. En cas d’erreur, plus le retour est proche dans le temps de l’erreur commise, plus l’action corrective sera efficace et intégrée de manière pérenne. (Sur l’importance voire la nécessité de l’erreur en situation d’apprentissage, je vous renvoie sur la vidéo #9, postée sur ma chaîne YouTube).

Concernant le retour d’information, les neurosciences ont démontré que :

  • L’erreur ou l’incertitude sont normales – elles sont même indispensables.
  • Les punitions face aux erreurs ne font qu’augmenter la peur, le stress, et le sentiment d’impuissance inutilement. Les punitions sont néfastes aux apprentissages.
  • La motivation positive et les encouragements stimulent l’apprentissage.

Quels conseils retenir de tout cela ?

Permettre à l’apprenant de réussir, lui donner des retours positifs, l’encourager et lui faire vivre des émotions agréables liées à ses succès, vont contribuer à sa motivation. Et il en aura besoin en phase de Compétence Consciente, phase pendant laquelle, on l’a vu, il devra consentir à faire des efforts, il devra faire face à ses erreurs et les corriger, il rencontrera des obstacles à contourner et des difficultés à surmonter.

Ce parcours n’est pas un long fleuve tranquille d’où l’importance du soutien d’un formateur, d’un référent ou encore d’un groupe de pairs.

  1. La consolidation

Il s’agit d’automatiser les apprentissages afin de les consolider et de les rendre pérennes. Ici, l’apprenant va passer du statut d’apprenti à celui d’expert, de la phase 3 (Compétence Consciente) à la phase 4 (Compétence Inconsciente).

Comment faciliter la consolidation des apprentissages ?

  • Revenir sur les contenus déjà appris, ce qui suppose une formation discontinue dans le temps.
  • Donner en formation des exemples issus de la réalité quotidienne des apprenant pour faciliter la transposition.
  • Donner des « devoirs ».
  • Proposer à chacun d’élaborer un plan d’action à mettre en œuvre de retour sur le terrain.
  • Donner des conseils pour s’entraîner.
  • Présenter les 4 phases d’apprentissage pour dédramatiser et donner envie de poursuivre la formation. Pour ma part, je dis parfois à l’issue de la formation « La formation commence maintenant … ».
  • Prévoir des temps de partage, des retours d’expérience pour renforcer les acquis et lever les difficultés éventuelles de mise en application.
  • Saisir ou créer des opportunités pour s’exercer.
  • Bien dormir : le sommeil va consolider la mémoire de ces apprentissages pour en faire une mémoire stable et durable.

 

 

Mariette Strub

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