L’article ci-dessous reprend des idées développées par Jeremy Rifkin. Elles éclairent de façon intéressante et vivifiante les évolutions que nous traversons aujourd’hui. Je souhaite les partager avec vous dans la mesure où ces idées correspondent aux valeurs et à la vision que je porte et qui fondent ma philosophie d’intervention auprès des entreprises avec lesquelles je travaille en tant que consultante, formatrice et coach.

Jeremy Rifkin est un essayiste américain. Il est spécialiste de prospective économique et scientifique. Il est également fondateur et président de la Fondation pour les tendances économiques (The Foundation on Economic Trends) basée à Washington.
En plus de son travail aux États-Unis, Jeremy Rifkin a acquis une grande influence en Europe en tant que conseiller de dirigeants de gouvernement et de chefs d’État, et il a travaillé comme conseiller personnel de Romano Prodi, l’ancien premier ministre italien. Ses articles apparaissent dans de nombreux journaux européens.
Bien que beaucoup de ses idées soient critiquées, il exerce une influence sur l’opinion publique et les politiques publiques aux États-Unis et en Europe. Le magazine politique américain National Journal l’a classé dans sa liste des 150 personnes les plus influentes en ce qui concerne la politique américaine.

VERS UNE CIVILISATION EMPATHIQUE

Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère économique avec l’émergence d’une nouvelle conscience humaine : la conscience empathique. Ceci s’explique par la co-occurence de deux éléments : un nouveau régime énergétique et une révolution de la communication.
Si on replace ce constat dans une perspective temporelle, l’histoire de l’humanité montre que les tournants décisifs de la conscience humaine se sont chaque fois produits lorsqu’un nouveau régime énergétique coïncidait avec une nouvelle révolution de la communication.

Aujourd’hui, notre sensibilité empathique s’étend, comme le montre le tableau ci dessus, à la biosphère. La biosphère est cette étroite bande qui s’étend à hauteur d’environ quarante miles au-dessus du fond des océans, jusque dans l’espace, et à l’intérieur de laquelle les êtres vivants et les processus géochimiques de la Terre entrent en relation les uns avec les autres et se soutiennent mutuellement. Elle fonctionne comme un organisme indivisible. La survie de notre planète et par voie de conséquence, notre survie à tous dépend des relations symbiotiques continues qui existent entre les êtres vivants et entre ceux-ci et les processus géochimiques.

Nous sommes donc tous interdépendants et responsables de la santé de cet organisme. Ce constat implique que nous souscrivions massivement à de nouvelles valeurs : SYNERGIE, COOPÉRATION et RÉCIPROCITÉ.

QU’EST-CE QUE LA CONSCIENCE EMPATHIQUE ?

Les présupposés sur la nature humaine, véhiculés dans les sociétés féodales (âge de la foi) et au siècle des Lumières (âge de raison) oublient un élément essentiel : ce qui fait de nous des êtres humains, à savoir l’expérience incarnée.
Or, la conscience empathique découle d’une expérience corporelle. L’aptitude à « lire » une autre personne et à lui répondre « comme si » cette personne était nous-mêmes est la clé qui permet de comprendre la manière dont les êtres humains entrent en relation avec le monde, développent une identité individuelle, acquièrent une langue, apprennent à raisonner, se socialisent, élaborent des récits culturels et
définissent la réalité et l’existence.
Cependant, la conscience corporelle peut se révéler compatible avec la foi et la raison.

1) La foi

Elle repose sur 3 éléments essentiels :

  • La crainte révérencielle
  • La confiance
  • La transcendance

Le sentiment religieux commence par une crainte mêlée de respect, l’émerveillement devant l’existence, son mystère et son étrange grandeur. Le sentiment de crainte révérencielle, l’émerveillement, nourrissent l’imagination humaine qui elle-même, permet l’empathie. L’empathie représente donc l’expression la plus profonde de la crainte révérencielle et en ce sens, elle est considérée comme la qualité humaine ayant la plus haute valeur spirituelle.
La foi requiert aussi la confiance, la volonté de s’abandonner aux mystères de l’existence. Or, la confiance est nécessaire à l’empathie qui devient alors la voie d’accès au divin et ainsi, de percevoir le divin en toutes choses. Dans la civilisation empathique, la spiritualité remplace la religiosité. La spiritualité est un parcours individuel de découverte dans lequel l’expérience empathique set de guide pour nouer des liens et devient un moyen de promouvoir la transcendance.

2) La raison

Contrairement à ce qu’en disaient la plupart des philosophes des Lumières, elle ne se limite pas à l’abstraction et à la classification des phénomènes à l’aide d’outils de mesure quantifiables. Elle comprend l’attention, la réflexion, l’introspection, la contemplation, la méditation et la rêverie ainsi que la rhétorique et les modes de pensée littéraires. Lorsque nous pensons à la raison, nous pensons généralement au fait de prendre du recul par rapport à une expérience immédiate en recherchant dans nos souvenirs une expérience analogue qui pourrait nous aider à formuler un jugement adéquat ou à décider d’une réponse appropriée.
Or, la raison n’existe pas indépendamment de l’expérience corporelle. Elle est un moyen de comprendre et de gérer cette expérience. Celle-ci commence par des sensations et des sentiments découlant de l’interaction avec autrui. Ceux-ci sont filtrés par la mémoire et mis en ordre par les différentes facultés dont nous disposons pour parvenir à une réponse émotionnelle, cognitive ou comportementale appropriée. L’ensemble de ce processus est ce qui constitue la conscience empathique. L’empathie est donc à la fois une expérience affective et une expérience cognitive. L’empathie est ainsi la substance fondamentale du processus rationnel grâce auquel nous mettons ainsi de l’ordre dans le monde des sensations et des sentiments afin de parvenir à ce que les psychologues appellent un « comportement prosocial » et les sociologues l’« intelligence sociale ».

Pour conclure, nous dirons que, pour réussir ce tournant majeur et saisir l’opportunité que nous offre la 3ème révolution industrielle, il nous faudra dépasser les présupposés philosophiques selon lesquels la nature fondamentale des êtres humains serait rationnelle, détachée, autonome, âpre aux gains et utilitaires.
Par ailleurs, dans la mesure où les énergies renouvelables sont plus ou moins également réparties dans le monde, chaque région pourra être quasi auto-suffisante et assurer à son mode de vie, un caractère durable, tout en étant connectée à l’aide de réseaux intelligents à d’autres régions, d’autres pays, d’autres continents.

Quelques ouvrages de Jeremy Rifkin pour aller plus loin :

“The Empathic Civilization: The race to global consciousness in a world in crisis”, Tarcher/Penguin, 2009
“Le rêve européen”, Fayard, 2005
• “L’économie hydrogène : après la fin du pétrole, la nouvelle révolution économique”, La Découverte, 2002
“L’âge de l’accès : la vérité sur la nouvelle économie”, La Découverte, 2000
“Le siècle biotech : le commerce des gènes dans le meilleur des mondes”, La Découverte, 1998
“La Fin du travail”, La Découverte, 1996
“Entropy: a new world view”, 1981
“Les apprentis sorciers : demain la biologie” (avec Ted Howard), Ramsay, 1979

Mariette Strub

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