La résilience est la capacité à surmonter les chocs traumatiques.
J’ai écouté le week-end dernier un webinaire très inspirant consacré à l’estime de soi.
Dans la conclusion, il était dit que « La construction de soi, l’estime de soi, est un chemin. Si nos premières interactions, dans notre enfance, n’ont pas répondu de manière adéquate à nos besoins, nous pouvons heureusement entreprendre un chemin pour accepter, réparer les loupés du passé et qui ont exercé une influence douloureuse sur notre développement psychique. En les reconnaissant, il est plus facile de pouvoir réparer ces blessures. »
Cette conclusion m’a, tout de suite, fait penser au Kintsugi.
Connaissez-vous le Kintsugi ?
Il s’agit, dans l’art japonais, de la technique de réparation de céramiques avec de l’or. C’est une vieille tradition qui vient de la technique du maki-e, c’est-à-dire la décoration à la laque dorée. Elle remonte au XVe siècle et consiste à mettre en valeur les fêlures et les cassures des céramiques. Ainsi, les cicatrices de l’objet prennent vie.
Comment procéder ?
Une fois la céramique brisée, on la réassemble avec de la laque ou de la résine. Ainsi, les pièces cassées sont rattachées ensemble, avec un chevauchement minimal. On applique ensuite une poussière d’or qui se fixe à la laque, et donne ainsi à la cassure sa teinte dorée.
Il arrive qu’une partie entière de la céramique soit manquante ou totalement brisée. Alors, l’intégralité de l’ajout est réalisée avec de l’or ou avec un mélange de laque et d’or.
Mais, l’art japonais de réparer les céramiques avec de l’or peut même aller plus loin. Il n’est pas exclu que l’artisan prenne une pièce issue d’une autre céramique, non assortie mais de forme similaire. Cette pièce est ensuite assemblée avec la céramique d’origine, créant un effet de patchwork. L’objet se dote alors d’une richesse et d’une histoire plus vaste encore.
Pourquoi vous parler du Kintsugi ?
Pour toutes celles et ceux que j’ai eu l’occasion de former, de coacher, … bref d’accompagner, vous connaissez mon appétence pour les analogies.
Ainsi, après avoir réalisé cette association entre estime de soi et Kintsugi, j’ai creusé cette pratique toute particulière et j’ai découvert les 3 manières de procéder, décrites ci-dessus.
Je me suis alors dit pourquoi pas reprendre chacune d’entre elles et voir si, et comment, elles peuvent éclairer le processus de résilience et me permettre d’opérer une analyse réflexive de ma pratique.
En effet, dans mes accompagnements individuels, je rencontre fréquemment des personnes fragilisées par la vie et avec lesquelles j’engage un travail de restauration de l’estime de soi.
1/ Les pièces cassées sont rattachées ensemble, avec un chevauchement minimal.
Cette phrase m’évoque le travail que je réalise en bilan de compétences au cours duquel il m’arrive d’aider le bénéficiaire à trouver le fil rouge dans un parcours parfois décousu. Retrouver la cohérence dans un parcours, réaligner valeurs et décisions. Il peut aussi être question de sens et d’intégration. Comment faire sien, comment digérer un événement difficile, voire traumatique, vécu dans da vie professionnelle ou personnelle. Cela est essentiel pour continuer d’avancer. Arrêter de ressasser ou de continuer à nourrir la partie en nous blessée. Un trauma quel qu’il soit, ne disparait jamais. La blessure, la souffrance qui en découle peut s’estomper, être moins douloureuse. Simplement, il s’agit d’apprend à vivre avec en essayant de lui donner une « juste » place, une place qui ne soit pas trop envahissante.
2/ Si une partie est manquante ou brisée, l’ajout est réalisé intégralement avec de l’or ou avec un mélange de laque et d’or.
Cette 2ème technique me renvoie à la théorie de l’attachement selon laquelle l’enfant a besoin, pour se développer normalement sur le plan affectif et social de former une relation affective privilégiée avec au moins un donneur de soins, appelé figure d’attachement. Lorsque nous n’avons pas eu la chance d’avoir des figures d’attachement nous permettant de construire des liens sécures, il sera toujours possible grâce aux rencontres futures que nous ferons, de construire, restaurer ou réparer ce qui a été défaillant ou dysfonctionnel et ainsi, développer, une fois adulte, une bonne estime de soi. De même, un accompagnement thérapeutique de qualité pourra permettre au patient d’apprendre à vivre avec le manque ou le trauma subi. L’espoir est donc toujours de mise !
3/ Il est possible d’assembler la céramique d’origine avec une pièce issue d’une autre céramique, créant ainsi un effet de patchwork. L’objet se dote alors d’une richesse et d’une histoire plus vaste encore.
Cette dernière technique m’évoque la relation d’accordage, et de transfert qui se créé dans la relation thérapeutique. L’accompagnant (coach, thérapeute, psychologue) peut « jouer » ce rôle de « l’autre céramique », comme s’il était une partie du patient, rejetée, méconnue, déniée, refoulée. La relation de confiance qui va s’instaurer permettra alors au patient de conscientiser, de reconnaître puis d’accepter toutes les parties de lui-même, celles dont il est fier, celles qui peut-être, lui font ou lui ont fait honte, et celles aussi, qui l’ont fait et le font peut-être encore, souffrir. Ce processus d’intégration est ce que Jung appelle le processus d’individuation. On pourrait parler, d’une manière un peu triviale, j’en conviens, de « recoller les morceaux » afin de retrouver son intégrité tout autant physique que psychique, et le Soi.
Pour finir, un petit clin d’œil avec cette citation empruntée à Michel Audiard !
« Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière ».
Mariette Strub