Tout apprentissage consiste en un processus d’adaptation à l’environnement, aux stimuli et aux événements auxquels nous sommes confrontés. Or, l’adaptation d’un individu à son environnement est le résultat d’un processus de transformation tendant vers l’équilibre. Pourtant, l’état d’équilibre permanent est impossible, l’environnement et l’individu n’étant pas statiques. L’adaptation est donc continue au cours de l’ontogenèse notamment par (ré)équilibrations successives.

La manière dont chacun va se saisir d’une situation pour en faire une situation d’apprentissage renvoie à la capacité d’adaptation de la personne. Cette capacité sera mobilisée ou non ; et si elle l’est, elle sera plus ou moins efficace. Ceci sera fonction de la combinaison singulière de deux familles de facteurs :

Intrinsèques : ceux qui relèvent des composantes individuelles et singulières de la personne.
Extrinsèques : ceux qui relèvent des composantes de l’événement déclencheur, de la situation extérieure.

Parmi les composantes personnelles, on distinguera :

1- Les facteurs intrinsèques

a) Regard porté sur soi

Je pense être capable de faire face ou je pense ne pas l’être.

b) Regard porté sur l’événement

Je colore la situation de façon positive (il est opportunité ou chance) ou négative (il est obstacle ou menace) ou je la vis sur un registre plus rationnel et distancié (il est un problème à résoudre).

c) Tempérament
Primaire (je me lance dans l’action quitte à ajuster en cours de route) ou secondaire (j’observe, j’analyse, j’évalue et je décide avant d’agir).

d) Emotion suscitée par l’exposition à l’événement
Régi par un fort besoin de sécurité, l’événement suscite de la peur ou bien mon besoin de stimulation me conduit à ressentir de l’excitation.

e) Comportement spontané
Je suis plutôt passif (je fuis la situation, l’obstacle, la difficulté, l’inconnu), plutôt agressif (j’affronte) ou plutôt manipulateur (j’évite, je contourne).

2- Les facteurs extrinsèques

– L’événement est-il connu ou inconnu, nouveau ?
– Est-il prévisible ou non ?
– Est-il, en soi, chargé émotionnellement ou non ?
– Présente-t-il un enjeu faible ou fort pour vous ?                                                          – Nécessite-t-il ou non votre implication, votre action, votre engagement ?

La manière spécifique avec laquelle vont se tricoter ces différentes composantes relève d’une alchimie qu’il est difficile de mettre en équation. Néanmoins, on peut observer l’action qui en résulte et en mesurer la pertinence. Cette action peut être décrite à travers trois paramètres sur lesquels il est possible d’agir directement ou indirectement en remontant notamment aux composantes qui en ont été le déterminant :

L’orientation de l’action : aller vers ou s’éloigner de
Le moteur de l’action : niveau de stress fort ou faible
La stratégie d’action : assimilation ou accommodation.

En bref, l’apprentissage n’est possible que dans le cas d’une orientation de type
« aller vers » et d’un niveau de stress minimum.
C’est à cette seule condition que la personne pourra déployer l’une des deux stratégies d’apprentissage décrites par Jean Piaget : l’assimilation et l’accommodation.

L’assimilation est un mécanisme consistant à intégrer un nouvel objet ou une nouvelle situation à un ensemble d’objets ou à une situation pour lesquels il existe déjà un schème (soit un ensemble organisé de mouvements ou d’opérations mentales).
L’accommodation est le processus inverse dans la mesure où la personne va changer sa structure cognitive pour intégrer un nouvel objet ou un nouveau phénomène.

L’équilibration est l’autorégulation entre assimilation et accommodation.

Dans les deux cas, le chemin que devra emprunter l’apprenant s’apparente à un processus de changement.

Si l’assimilation était un changement de type I, assimiler reviendrait à accepter, tant sur le plan psychique, affectif que cognitif, un objet nouveau. Cela suppose :
– que la personne ait conscience de son capital de connaissances, de compétences et de comportements disponibles,
– qu’elle soit capable d’identifier l’objet extérieur comme compatible avec l’existant (« considérer le nouveau comme familier ») dans une dynamique métaphorique de type « c’est comme … »,
– qu’elle sache articuler le nouveau à l’ancien.

L’accommodation, à contrario, serait un changement de type II. Elle nécessiterait que la personne reconnaisse ses propres limites (« je ne sais pas/faire/être), qu’elle accepte de se remettre en question, d’expérimenter, de se confronter à l’échec et surtout qu’elle soit créative.

L’assimilation suppose d’entrer dans une logique d’empilement. C’est comme une chaudière à charbon que l’on remplirait. Il s’agit de faire plus de la même chose, ce qui est très certainement moins coûteux que l’accommodation qui, pour prolonger l’exemple, consisterait à changer pour une chaudière à gaz par exemple. En effet, accommoder nécessite un réaménagement personnel. L’apprenant devra changer de niveau logique, de regard, de posture, d’habitude ou adopter un nouveau schème moteur. C’est sans doute dans ce deuxième cas que l’apprentissage sera le plus douloureux et source des plus fortes résistances. Il s’agit ici de renoncer à un confort, à un mode de fonctionnement. C’est la raison pour laquelle il est fréquent d’observer les mêmes symptômes que lors d’un travail de deuil.

Pour rappel, voici les 5 étapes du processus de deuil telles que décrites par Elizabeth Kübler-Ross :
1- Le déni : « C’est pas vrai ! », « Ce n’est pas possible »
2- La colère : « Pourquoi moi ? »
3- Le marchandage : « J’aimerais … »
4- La tristesse : « Qu’est-ce que je peux faire? »
5- L’acceptation : « Je veux … »

Courbe du deuil

Le déni est un refus de reconnaître la réalité comme vraie. L’apprenant est dans la fuite et ne se sent pas vraiment concerné par la situation d’apprentissage. Il rejette le diagnostic posé à savoir le besoin de formation. Il est sur la réserve et attentiste. Cette période est teintée de peur et d’anxiété. La personne ressent doute et méfiance vis-à-vis de l’environnement.

Lors de la 2ème phase, la révolte, vont apparaître les comportements négatifs, symptômes de résistance aux changements, mélange d’agressivité et de passivité. La couleur émotionnelle est la colère. Les manifestations seront diverses : l’apprenant ne se sent pas à la hauteur, il a peur de ne pas y arriver, il présente le syndrôme de l’imposteur (« ce n’est pas moi qu’il faut former mais mon chef ») ou bien, il se place au dessus du lot (« je n’en ai pas besoin », « je sais faire », « cette formation n‘est pas adaptée »).

La seule voie possible pour que l’apprenant dépasse ces blocages est d’une part d’entendre et de légitimer les récriminations, les peurs et les doutes et, d’autre part, de mettre à jour ce qu’il y a à gagner à apprendre. Trouver un bénéfice c’est ce que l’on entend par le marchandage.

Alors seulement, la personne peut contacter la tristesse due au renoncement et supporter de plonger dans le chaos de la déconstruction (impression de ne plus rien savoir) pour (se) reconstruire sur de nouvelles bases.

C’est à ce prix qu’elle pourra accepter d’entrer véritablement dans le processus d’apprentissage et y trouver la jubilation, le plaisir et la sérénité.

Mariette Strub

Laisser un commentaire