Sortir de sa zone de confort

Faut-il vraiment sortir de sa zone de confort ?!

Vous avez, très certainement noté à quel point nous sommes abreuvés, envahis par des expressions, des mots voire des concepts et qu’à force de les entendre, nous les considérons comme vrais et nous les adoptons pour enrichir notre langage de tous les jours.

Quelques exemples :

Sortir de sa zone de confort, Faire de la pédagogie, Être dans la bienveillance, Être résilient, Libérer la parole, Se réinventer, Savoir rebondir, Être en transition, Être un coach, un manager, une organisation, … agile, c’est que du bonheur, …

 La liste pourrait être allongée à loisir.

Pourquoi ces expressions ou ces mots répétés à satiété sont-ils à employer avec beaucoup de prudence ?

 Petit détour explicatif :

La satiation sémantique, saturation sémantique ou encore satiation verbale est un phénomène psychologique au cours duquel la répétition d’un mot ou d’une expression provoque une perte temporaire du signifié (son sens) auprès de son interlocuteur ou de son auditoire, qui perçoit alors la parole comme une suite de sons répétés dénuée de sens.

Faites-en l’expérience : prenez un mot quelconque, par exemple baignoire ou management puis répéter le mot de nombreuses fois. Vous verrez qu’après plusieurs dizaines de répétition, le mot est comme vidé de son sens.

La répétition de mots, d’expressions, pour ne pas dire le matraquage, tant on les entend dans les médias, sur les réseaux, en entreprise, dans les diners, …, a également pour effet de les galvauder.

Que veut dire Galvauder ?

Galvauder signifie compromettre par un mauvais usage. Ce terme désigne l’action d’utiliser quelque chose à mauvais escient et le déshonorer par la même occasion.

Les synonymes sont avilir, gâcher ou compromettre.

Étymologiquement, le terme galvauder proviendrait d’un croisement entre les termes galer, et ravauder, signifiant respectivement amuser quelqu’un et rabaisser.

Que viennent faire ces expressions employées en management, dans le sport, le développement personnel, la politique, en thérapie, … ? Présentes dans tout l’espace médiatique ainsi que dans le langage courant, quel est exactement leur rôle ?

Pour répondre à cette question, je vous propose de lire l’analyse écrite par Christophe Genoud, le 25 octobre 2021 sur un exemple : « Sortir de sa zone de confort ».

Vous retrouverez son article sur son blog : en m’appuyant sur l’excellent article, le 25 octobre 2021 dans son blog.

Dynamitons la zone de confort

 

Dans son article, Christophe Genoud, révèle, références à l’appui, que ce soi-disant concept s’avère théoriquement faible, empiriquement invalide et philosophiquement néfaste. Pourtant, cela n’empêche en rien sa prolifération.

Le concept de « zone de confort » est entré dans le vocabulaire de la littérature managériale pour décrire cette zone dans laquelle les individus dans les organisations se complaisent dans la médiocrité et l’habitude réconfortante, frein à l’excellence, à la créativité et à la performance.

Mais

  • Tout cela repose sur la transposition abusive d’une étude réalisée sur des animaux par Yerkes et Dobson.
  • Aucune étude empirique menée sur des humains n’en prouve sa validité.
  • Les seules indications empiriques disponibles pointent sur un effet inverse à savoir que le stress réduit la performance et nuit à la santé de l’individu.

De plus, cette « théorie » repose sur un postulat de l’homme au travail qui renvoie à la théorie X. Cette théorie, avec la théorie Y a été introduite en 1960 par Douglas McGregor, un psychologue social américain dans son livre « The Human Side of Enterprise ».

La Théorie X suppose que les employés n’aiment pas le travail. Ils veulent l’éviter et ne veulent pas assumer la responsabilité. Ainsi, il est donc nécessaire de leur imposer des tâches, de les contrôler et de les contraindre car ils ne sont motivés que par les récompenses financières.
Cette vision s’est largement développée au 20e siècle et a profondément marqué les modes de gestion et de management.
Aujourd’hui, j’observe que malgré des pratiques managériales qui se veulent libératrices, responsabilisantes, voire épanouissantes, la conception de l’homme au travail n’a guère évolué dans nombre d’entreprises.

 Pour Christophe Genoud, cette conception est contestable parce que fausse et détestable parce que nocive.

  • Fausse, parce qu’elle déploie une vision des individus qui seraient par nature peureux, paresseux et rétifs au changement. Or, si l’on regarde toutes les transformations vécues par les entreprises, nous n’aurions pu en être témoins si les salariés qui les composent n’avaient pas adapté leurs pratiques et leurs activités.
  • Nocive, parce qu’elle sous-tend une conception du management qui tire plus du côté du pouvoir (Détenir quelque chose – compétences, information, argent, statut, force physique, …- et utiliser des forces pour l’exercer comme la contrainte, la menace, la punition, le chantage affectif, la culpabilisation, la morale, le récompense, …) que de l’autorité (ou parole émise par une personne perçue comme légitime et adressée à une personne ou à un groupe, qui consent à y obéir).

 

Nous ne pouvons d’ailleurs que constater et déplorer l’augmentation de la souffrance au travail, du stress, du burn-out comme conséquences de ces pratiques, ces dernières années.

Si vous voulez aller plus loin….

Ma vidéo #67 sur ma chaîne YouTube
https://www.youtube.com/channel/UCNBO5b_sneXAhVjIvbgLWBg

 La conférence gesticulée de Franck Lepage sur la langue de bois
https://www.youtube.com/watch?v=oNJo-E4MEk8&ab_channel=IvanGabriele

 La Boétie, « Discours de la servitude volontaire », 1576
Ce livre est une exhortation à la liberté, contre la tyrannie.

Alexis de Tocqueville, « Démocratie en Amérique », 1832
Le principal danger qui guette les citoyens de la conglomération unique et mondiale – désormais le quotidien de chacun – n’est pas externe, mais interne : c’est principalement l’inconscience de la servitude, cette “servitude volontaire” dont Étienne de la Boétie avait fait l’objet de son traité politique. Le serf moderne, ou post-moderne, contrairement à celui des sociétés antiques et médiévales, n’est plus conscient de sa servitude, car il se paye de mots et subit passivement le discours idéologique qu’il produit lui-même, collectivement. A la fois isolé et enferré, individualiste et noyé dans la collectivité. Le maître de jadis pouvait aimer son serviteur ; le serf d’aujourd’hui est son propre oppresseur. Car dans cette servitude généralisée, le serf ne se distingue plus du maître. Chacun tend à devenir l’oppresseur et l’oppressé de l’autre, non directement car l’autre, invisible, se manifeste dans l’ombre des règlements, des lois et des transactions. Tous se ressemblent, car les conditions d’existence et des modes de vie tendent à devenir les mêmes. Cette entreprise d’acculturation mondiale, sans précédent dans l’histoire de l’humanité – car ce qui disparaît n’est remplacé par rien – est sans visage et sans voix, bien que bruyante, menée par tous et au profit de personne.

Edward L. Bernays, « Propaganda », 1928
Ce livre a beaucoup influencé la littérature des sciences sociales et celle de la manipulation psychologique par un travail sur les techniques de la communication publique. Il explore la psychologie en tant que moyen utilisé pour la manipulation des masses et l’utilisation de la symbolique de l’action et de la propagande pour influencer la politique, afin de provoquer des changements sociaux.

 

 

 

 

 

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