Pourquoi s’intéresser au concept d’identité aujourd’hui ?

… Parce que l’individualisme nous rend exigeant quant à nos désirs et notre épanouissement personnel,
… Parce que le consumérisme nous amène à croire que le bonheur passe par l’avoir au détriment de l’être,
… Parce que la mondialisation induit une perte de repère, une peur de l’étranger et le repli des pays sur un nationalisme protectionniste,
… Parce que le libéralisme entraîne des restructurations, des rapprochements d’entreprises, des repositionnements stratégiques afin de survivre dans un environnement économique de plus en plus concurrentiel.

… Parce que je fais partie de ce système et qu’en tant que psychologue et consultante, je suis témoin du désarroi dans lequel sont plongés nombre de mes interlocuteurs.
Et j’estime qu’il est de ma responsabilité de leur proposer des outils d’aide à la réflexion et à la prise de décision pour agir dans une perspective éthique en vue de concilier les intérêts économiques des entreprises et les intérêts individuels des hommes et des femmes qui contribuent largement à leur réussite.

Depuis quelques années, je constate que les problématiques-clients auxquelles je suis confrontée renvoient toujours à la question de l’identité :
– Identité personnelle et professionnelle à travers une demande de bilan de compétences,
– Identité managériale à travers une demande de coaching,
– Identité groupale à travers une demande de cohésion d’équipe,
– Identité organisationnelle à travers une demande d’accompagnement du changement.

Et,derrière cette question de l’identité, on retrouve les notions de groupe d’appartenance, de représentations, de valeurs, de normes, d’objectifs, de sens, de reconnaissance, d’image, de relations, de positionnement, de choix, de singularité et de cohérence, de stratégies d’action, …

Qu’est-ce que l’identité ?

L’identité personnelle ou « sentiment d’identité » est le fait qu’une personne se conçoive et se perçoive la même dans le temps (ce qui me rend semblable à moi-même…) mais aussi se singularise (… et différent des autres).
Elle est ce par quoi je me définis, je me connais et je me reconnais et ce par quoi je me sens accepté et reconnu comme tel, par autrui.
L’identité est un processus cognitif, affectif et social mais aussi la structure psychique qui résulte de ce processus. La construction identitaire constitue un cadre psychique (schéma mental, système de représentations et filtre des informations) qui structure l’action individuelle en s’adossant à des valeurs qui lui donnent du sens.

L’identité est un concept fondamentalement paradoxal :
– l’identité est tout à la fois ce qui est identique (unité) et dans l’appartenance de tout être humain à la communauté de l’espèce humaine, et ce qui différent (unicité de l’A.D.N.) ;
– l’identité renvoie à un sentiment de constance ou de continuité de soi-même qui s’inscrit elle-même dans une dynamique constituées d’aménagements permanents ;
– l’identité peut se définir tant du point de vue de la forme et de ses composantes structurelles, qualitatives, que du point de vue des fonctions et des comportements ;
– l’identité interroge autant le « Qui suis-je ? » que le « Qui suis-je par rapport aux autres ? ».

Il est possible, dès lors, d’entrevoir des pistes de réflexion et de travail pour l’entreprise puisque :

– l’identique se situe tout autant dans ce qui singularise et distingue (ce qui renvoie par exemple à la notion de spécificité, d’avantage concurrentielle, de valeur ajoutée, … d’une entreprise) que dans ce qui ressemble et donc rassemble (appartenance de l’entreprise à une branche professionnelle, cœur de métier, valeurs et projets d’entreprise, …) ;
– l’identité questionne les notions de permanence et de changement puisqu’elle est un système dynamique, à la fois processus et structure ;
– l’identité personnelle renvoie au sens alors que l’identité sociale renvoie au rôle, ce qui questionne aussi bien la stratégie d’ensemble d’une entreprise qu’à sa déclinaison en termes d’activités et de fonctions occupées par les salariés ;
– l’identité personnelle se construit à travers les interactions sociales. Donc le concept d’identité ne peut se concevoir indépendamment de celui d’altérité ; de la même manière, chaque acteur dans l’entreprise ne peut se concevoir seulement comme entité isolée puisqu’il travaille en interdépendance avec les autres acteurs internes et externes.
– L’identité personnelle inscrit le sujet dans une histoire, dans l’espace et dans le temps. De même, toute organisation est le fruit de son histoire : sa culture, ses produits, son positionnement, … en étant la résultante.
– L’identité n’existe qu’en actes et ces actes sont eux-mêmes porteurs de sens. La façon dont une entreprise est gouvernée et les actions et décisions qui en découlent témoignent des valeurs portées par l’équipe dirigeantes.

Là encore, on voit bien que le concept d’identité est convoqué dès qu’il est question de rôle, de fonction, de groupe et de relations interpersonnelles, de positionnement stratégique, d’image, de sens, de valeurs, de changement, …

Par ailleurs, les outils d’étude et d’analyse du concept d’identité appliqués au sujet en tant que personne peuvent présenter des développements théoriques et méthodologiques fructueux s’ils sont déployés sur d’autres niveaux logiques tels que le groupe (équipe de travail) et l’organisation (entreprise). Ainsi, il est possible de revisiter par exemple les étapes de construction identitaire d’un individu et les processus psychiques à l’œuvre pour éclairer sous un jour nouveau l’entreprise et lui apporter des réponses opérationnelles.
Mieux comprendre pour mieux accompagner les changements, les crises et les décisions inhérentes au développement de toute organisation.

Quelles sont les étapes de la construction identitaire ?

Le développement de ce paragraphe, s’appuie sur les travaux en psychologie du développement (Zazzo, Winnicott et Piaget entre autres) et sur les concepts issus de la psychanalyse (Freud notamment).

L’identité personnelle se construit tout au long de la vie à travers des périodes critiques de séparation, d’autonomisation, d’affirmation, de différenciation cognitive et d’opposition affective, dans la confrontation à l’autre. Elle présente donc 3 composantes : affective, sociale et cognitive.

La construction identitaire est fondamentalement un processus d’individuation qui s’inscrit dans l’expérience du conflit. La dynamique identitaire s’opère par l’affrontement de tendances contradictoires (être tout à la fois conformes et singuliers, stables et changeants).

Avant même sa naissance, l’enfant existe dans l’imaginaire et le discours de ses parents. Le sexe souhaité, le choix du prénom, les projets que les parents élaborent pour lui vont dessiner des contours à l’intérieur desquels l’enfant va se développer.

1- l’individuation primaire (0 à 3 ans) – identité corporelle

Le corps constitue pour le bébé la base et le support privilégié du sentiment d’identité (façon dont on se ressent). Il va se découvrir lui-même au travers de ses perceptions, de ses actions mais aussi, dans son rapport aux autres et dans le regard des autres. L’exploration de son corps, la manipulation d’objet vont lui permettre de prendre conscience des limites de son corps. De plus, entre un et deux ans, l’enfant va apprendre à reconnaître son image dans un miroir. Deux mécanismes sont ici à l’œuvre : l’objectivation et l’appropriation. Par l’objectivation, l’enfant devient capable de se saisir de l’extérieur comme un objet dans l’espace des objets et devient visible à lui-même. Par l’appropriation, il incorpore cette apparence visuelle et la fait coïncider avec l’expérience interne de son corps. C’est au moment où cette fusion se réalise que l’usage du « je » s’entend dans le discours de l’enfant, marquant alors la première émergence du sentiment d’identité. Cependant « l’image du corps » est différente de la réalité anatomique puisque fortement influencée par la dynamique pulsionnelle (narcissique, libidinale et agressive). En effet, cette 1ère identification imaginaire et corporelle se constitue en même temps que les 1ères relations mère-enfant. Il va ainsi s’identifier sur un mode fusionnel à cette toute puissance narcissique que représente la mère et c’est l’intériorisation de cette relation duelle va constituer le moi idéal (idéal de toute puissance narcissique, moi de l’affirmation de soi).
Le 1er acte fondateur de l’individuation est également marqué dans le discours de l’enfant lorsqu’il va commencer à dire « non ». Cette expression d’opposition est moins à entendre comme un signe de désaccord que comme une 1ère forme d’affirmation de soi (« non, je suis différent ») qui va permettre à l’enfant de faire la distinction moi/non moi, de s’affranchir de la relation symbiotique, de trouver et de maintenir une distance juste par rapport à autrui et par là même de développer la capacité à symboliser et donc d’accéder au langage.
Par ailleurs, sur le plan cognitif, l’enfant va apprendre progressivement à reconnaître l’existence d’un « non-je » à travers la notion d’« objet permanent » ce qui va lui permettre de concevoir qu’un être puisse rester identique à lui-même dans la succession du temps ou le déplacement dans l’espace.

2- l’individuation catégorielle (3 à 11 ans) – identité sexuelle

Mais l’identité corporelle est aussi une identité sexuelle. Dès l’accès à la parole, le jeune enfant est amené à se reconnaître garçon ou fille. Cette identité ne résulte pas seulement du sexe anatomique. Elle découle également des identifications de la petite enfance et notamment de celles qui se nouent autour du complexe d’Œdipe.
Cette 2e identification va s’opérer dans le cadre d’une relation triangulaire puisque
le complexe d’Œdipe s’inscrit dans une problématique à trois (père, mère, enfant) ; le père introduisant du tiers dans la relation duelle et fusionnelle va permettre à l’enfant de se déprendre de la relation objectale et de renoncer à la toute puissance.
La crise oedipienne est le produit de l’institution sociale qu’est la famille, destinée à transmettre une loi fondamentale dans les rapports sociaux : l’interdit de l’inceste. Ce conflit est le point nodal autour duquel s’ordonneront les relations humaines. Il en est l’archétype, l’événement fondateur. De plus, il joue un rôle fondamental dans la structuration de la personnalité.
Tout être humain est né de la rencontre d’un homme et d’une femme ayant eu une relation sexuelle. Il y a désir des parents et désir par rapport à un enfant réel. Cela suppose donc la différence des générations et la différence des sexes. L’Oedipe pose donc la question des origines et la question de l’identité (« Qui suis-je ? » et « D’où est-ce que je viens ? »). Va s’observer ici un déplacement de la libido narcissique vers une libido objectale. Elle va s’investir sur les parents et sera constituée d’attachements (au père pour la fille et à la mère pour le garçon) et d’ambivalence (de la fille par rapport à la mère et du garçon par rapport au père, perçus comme des rivaux). La compétition oedipienne est fantasmatique. L’enfant va, petit à petit, se rendre compte de l’inutilité de ses efforts de conquête du parent de sexe opposé et ainsi renoncer à l’objet incestueux et à la rivalité avec le parent de même sexe, grâce au refoulement. C’est à ce prix qu’il pourra réinvestir son énergie libidinale dans les apprentissages scolaires et sociaux avant de la réinvestir plus tard dans de nouveaux objets et ainsi liquider le complexe d’Œdipe.
Le déclin du complexe d’Œdipe est caractérisé par l’intériorisation des interdits parentaux et l’identification à des parents idéalisés parachevant ainsi la formation du Surmoi (censure morale du Moi). Cette censure surmoïque inconsciente est à l’origine de l’estime de soi (sentiment d’avoir fait ou non ce qu’il fallait).

Par ailleurs et sur le plan cognitif, l’apparition vers 7 ans de la pensée opératoire concrète va aller de pair avec un élargissement des relations, une capacité de décentration et la construction des identités sociales par le jeu de la comparaison sociale, la mise en évidence des ressemblances et des différences. Il parvient alors aux catégories cognitives et sociales.

3- l’individuation personnalisante (11 à 18 ans)

L’adolescence est un second pas vers l’individuation. Elle correspond à une phase de restructuration affective et intellectuelle de la personnalité en lien avec des transformations physiologiques liées à l’intégration du corps sexué ; la puberté marque le début de ces transformations. Par ailleurs, ces changements vont s’accompagner d’un remaniement en profondeur de ce qui s’est joué autour de la problématique oedipienne.
Sur le plan cognitif, l’adolescent accède à la pensée formelle (logique hypothético-déductive). Sur le plan du développement affectif et social, le groupe de pairs devient un agent de socialisation à la place des parents. Le jeune va s’émanciper de son milieu familial et choisir de nouveaux objets d’attachement. Les figures d’identification vont ainsi être remises en question et s’élargir : révolte pubertaire contre l’autorité ou ses substituts symboliques.
Cette étape s’accompagnera donc parfois de troubles de l’identité de genre, de troubles du caractère et du comportement (défi, provocation, opposition, goût du risque, attirance pour les interdits), de troubles de l’image du corps (sentiment de bizarrerie et d’étrangeté, retour en force du narcissisme, …), de questionnements existentiels et de préoccupations morbides liés à la prise de conscience de la fin de l’enfance, des contraintes de l’engagement dans le monde et de l’impossibilité d’échapper aux limites de l’existence individuelle (peur de la mort), d’une ambivalence vis-à-vis des parents et une confusion mentale entre rêve, idéalisme et volonté de puissance d’une part, et réalité, contraintes d’autres part.
La problématique de l’adolescence est de se vivre suffisamment solide pour pouvoir se passer des parents. Elle s’articule autour de deux questions : « Qui suis-je ? » et « Qu’est-ce que je veux faire ? ».

4- La crise des 40 ans ou crise de milieu de vie

La quarantaine est souvent l’heure des bilans, des remises en question et parfois aussi celle des révoltes, bref une profonde crise d’identité qui peut conduire à changer brutalement ses choix de vie.
Parfois, c’est à l’occasion d’un événement de vie, comme la mort des parents, le départ des enfants, des difficultés professionnelles ou encore d’une rencontre passionnelle, que ces nouveaux choix de vie sont pris. Mais ils sont souvent le fruit de longs remaniements psychologiques anciens, notamment quand les principaux choix de vie, par le passé, n’ont pas été les bons.
Cette crise identitaire ressemble par certains traits à celle de l’adolescence puisque des questions existentielles telles que « Qu’ai-je fait de ma vie ? », « Mes choix de vie ont-ils été les miens jusqu’à présent ? », « Quels pourraient être mes nouveaux choix de vie au travail, en amour, et dans mes loisirs ? » “… peuvent se poser.
L’envie de vivre une autre vie est encore possible, bien que le sentiment que le compte à rebours ait déjà commencé, soit là extrêmement prégnant.
On observe que c’est souvent quand l’adolescence a été trop sage ou au contraire trop opposante, que la vie d’adulte s’organise sur des choix incohérents, fondés par le renoncement à ses propres désirs ou par l’opposition systématique de ceux de ses parents. La crise de milieu de vie voit ainsi se rejouer sur la scène de l’inconscient ce qui ne l’a pas été suffisamment à l’adolescence.

Chez les femmes, cette crise est souvent moins bruyante car, par la multiplicité de leurs activités quotidiennes, elles sont habituées aux changements et aux aménagements.
A contrario, chez les hommes, la sphère professionnelle reste longtemps prédominante pour des raisons culturelles et identitaires. Aussi quand des difficultés surviennent dans ce domaine, ils se sentent confrontés à un sentiment d’échec et remis en cause sur le plan de leur accomplissement personnel. Ils sont alors souvent en panne de scénario de vie avec, parfois, à la clé, des passages à l’acte ou des réactions dépressives.

5- La ménopause

La ménopause est l’étape qui marque la fin des menstruations et de l’ovulation chez la femme. En effet, la ménopause survient lorsque les ovaires ont épuisé leurs réserves d’ovules pouvant être fécondés. Par conséquent, la sécrétion d’hormones femelles (œstrogènes et progestérones) décroît également, entraînant des changements tant physiques qu’émotionnels chez la femme.
La ménopause est un processus naturel qui survient généralement entre l’âge de 45 et 55 ans et qui se poursuit pendant quelques années.
Les symptômes de la ménopause ne se résument pas aux bouffées de chaleurs ou aux douleurs articulaires. Parmi les manifestations les plus fréquemment mentionnées par les femmes, on peut mentionner également l’insomnie, la fatigue, la sécheresse vaginale, les palpitations, …
Chez certaines femmes, l’arrêt de la sécrétion des hormones sexuelles entraîne une modification du caractère ou une perte de tonus, qui peuvent altérer leur équilibre psychique, du fait des symboles qui y sont attachés.
Plutôt qu’une cause, il est plus juste de dire que la ménopause fonctionne comme un déclencheur. Elle est un facteur de fragilisation et, quand il existe une pathologie sous-jacente, elle peut se révéler à cette occasion.
L’andropause, quant à elle, est un phénomène médical, similaire à la ménopause de la femme, qui peut affecter les hommes entre quarante et cinquante-cinq ans. À l’inverse des femmes, les hommes n’ont pas de jalon net comme la cessation des menstruations pour marquer cette transition. Tous deux, toutefois, se caractérisent par une baisse des niveaux hormonaux. Les changements corporels surviennent très graduellement chez l’homme et peuvent être accompagnés de changements d’attitudes et d’humeurs, de fatigue, de perte d’énergie, d’appétit sexuel et d’agilité physique.
Ces symptômes sont vagues et varient grandement d’un individu à l’autre. De plus, la diminution de production de l’hormone mâle est très progressive : elle survient dès trente ans et s’étale sur les trois, quatre ou cinq décennies suivantes jusqu’à la mort.

6- La retraite, 3e et 4e âge

(Cf. IDENTITÉ, VIEILLESSE ET SOCIÉTÉ de Catherine Simard, Santé mentale au Québec, Volume V, Numéro 2, Automne 1980).

La personne âgée fait face à une perte de repères culturels dans la mesure où elle est dépossédée peu à peu des éléments qui la constituaient et fondaient son identité. La mise à la retraite (qui peut correspondre au départ des enfants pour la femme au foyer) se charge d’une partie du nettoyage : perte de l’activité dominante et par voie de conséquence, perte de relations sociales, perte du rôle et du statut, perte du revenu. Plus tard, le corps va se dégrader. Les problèmes de santé vont amoindrir ses capacités et rétrécir davantage le tissu social : la personne âgée a du mal à rencontrer la famille qui lui reste, à cause des difficultés croissantes dans ses déplacements, tandis que ses amis se dispersent ou meurent peu à peu. Et plus la personne avance en âge, moins il lui reste de temps pour réaliser ses rêves. Ces pertes successives laissent l’individu nu, dépouillé de ses attributs identitaires. De sorte qu’il ne lui reste désormais que son nom, sa nationalité et son numéro d’assurance sociale.
Ainsi, les personnes âgées sont confrontées à un vide social et culturel.
D’une part, la mise à la retraite, indépendamment du vieillissement biologique, enlève à la personne toute possibilité de participation aux valeurs de progrès, d’avenir, d’efficacité, d’autonomie, que sont les valeurs dominantes de notre société.
D’autre part, il est impossible aux personnes âgées de se reconnaître dans ses valeurs sociétales puisqu’elles sont en profonde contradiction avec ce qu’elles vivent et ressentent au quotidien.
Ce décalage culturel et social laisse donc l’individu avec un potentiel psychologique (dont l’identité personnelle est le fondement) à vide : la société n’attend rien des vieux, et c’est là que se situe la crise d’identité : pas d’actualisation possible valorisante, signifiante pour soi et pour les autres, puisque ces autres n’attendent rien. Au contraire même, ils ont peur, peur de cette vieillesse qui les attend, et qui pourrait peut-être remettre en cause ces valeurs auxquelles ils sont tant attachés.

Pour faire face à cette perte de repères, il est fréquent d’observer chez les personnes âgées des mécanismes de compensation qui lui permettront malgré tout de conserver tant bien que mal, leur intégrité et leur identité personnelle.

Par exemple :

– Une relation symbiotique avec un objet
La personne âgée va s’attacher à des broutilles, à un objet porteur d’une symbolique On parlera d’«objet totalisant». Celui-ci renvoie à l’objet transitionnel de Winnicott, en ce sens que l’attachement à cet objet peut devenir symbiotique. Néanmoins, cet « objet totalisant » dépasse l’objet transitionnel par son aspect historique et social puisqu’il peut être le résumé d’une vie et devenir ainsi le garant d’une identité à la dérive. Cependant, notons que plus l’espace extérieur de la personne âgée va se réduire, plus l’objet totalisant va perdre cet aspect socialement signifiant ; il se rapprochera alors de plus en plus de l’objet transitionnel et pourra devenir n’importe quoi : un chien, un oreiller, une couverture.

– Une relation de dépendance affective
L’autre qui va devenir le pourvoyeur de ce que l’on n’a pas et que l’on n’est plus capable d’aller chercher soi-même. La personne âgée n’est pas capable d’entretenir avec autrui des relations d’échange qui supposent le désir authentique de rencontrer l’autre, et la relation devient le résultat toujours imparfait d’un besoin intolérable, jamais comblé. Ainsi, si l’autre vient à manquer, la personne sera désemparée et pourra régresser.

– Un comportement dit «caractériel»
Au contraire, si la personne âgée se cabre, devant la situation qui lui est faite, tout en la subissant malgré tout, elle devient alors agressive, têtue, grincheuse, provocante et peu coopérative.

– Des peurs et des angoisses
Les différentes pertes subies et la crise d’identité qui s’en suit laissent chez la personne âgée une force énergétique non utilisée qui peut provoquer des comportements plus diffus, plus subtils, fruits d’une angoisse latente qui se manifestera par toutes sortes de peurs, d’angoisses, de manifestations de stress et d’inhibitions.

Heureusement, il existe aussi des personnes âgées qui ont su conserver leur identité. Confrontées à d’autres obstacles parce qu’elles ne correspondent pas à l’image typique du vieillard passif.

Mariette Strub

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