Gérer le sentiment d’échec
Les raisons de l’échec scolaire sont multifactorielles :
– bio-médicales
– psychologiques (affectives et/ou cognitives)
– familiales et intergénérationnelles
– socioculturelles
– institutionnelles
L’entrée dans la spirale de l’échec peut s’observer très tôt c’est-à-dire dès l’entrée de l’enfant en crèche. Le repérage des difficultés en situation peut porter sur des aspects cognitifs, corporels et relationnels. Cette observation s’appuie sur une norme qui est un comparatif par rapport au groupe-classe à un instant t et sur l’évolution ou non des comportements de l’enfant dans le temps.
Or, dans les jardins d’enfant et plus tard en maternelle, les enseignants, et c’est tout à leur honneur, partagent la croyance, selon laquelle il ne faut ni juger, ni cataloguer les enfants mais les laisser vivre à leur rythme et que les apprentissages se mettront en place d’eux-mêmes. Cela est faux et conduit le plus souvent à une installation de l’échec qui sera pris en charge à l’école primaire, moment où l’entrée dans les apprentissages fondamentaux rendra plus criant la nécessité de la gestion de cet échec. L’enfant est alors dans la période de latence, période peu propice aux remaniements psychiques car ceux-ci sont très coûteux en raison de la prégnance des mécanismes de défense.
Le gestion de l’échec s’impose le plus souvent en urgence car les comportements de l’enfant sont extrêmement perturbé par les façons dont il gère cette profonde blessure narcissique (mutisme, explosion, refus du scolaire, phobie scolaire, dépression, …). Ces attitudes interdisent tout travail scolaire.
Gérer l’échec scolaire c’est accepter de tenir le discours suivant : la difficulté scolaire est normale. Apprendre c’est difficile et échouer n’est pas une fatalité.
En effet, l’institution Education Nationale repose sur le postulat selon lequel l’apprentissage serait linéaire et frontal. Or, aucun enfant normalement constitué ne peut entrer dans ce moule. Les bons élèves sont simplement des enfants outillés intellectuellement, suffisamment structurés et possédant un important contrôle de soi (maîtrise corporelle, émotionnelle, intellectuelle et relationnelle). Ces outils ne relèvent ni de la prédisposition, ni de la pathologie, ni de la maltraitance. Ces systèmes sont contraignants pour l’enfant. Ils font des efforts même si ceux-ci ne se voient pas. D’où la fausse impression de facilité.
L’enseignant doit être agent de médiation entre l’élève et l’objet du savoir. Cette relation tripolaire (enseignant-élève-savoir) donne un cadre où chacun a sa place et laisse ainsi à l’élève l’espace pour exister. Cela permet à celui-ci de créer sa propre relation à l’objet du savoir. Dans son rôle de médiateur, l’enseignant donnera à l’élève les éléments pour qu’il comprenne et s’approprie le pourquoi et le comment il apprend, lui donner les clés de l’aide qu’il lui apporte afin qu’il devienne autonome dans son apprentissage. Cela consiste à saper la base même du lien en disant « ce que j’ai fait pour toi, tu peux le faire toi-même ».
On peut également s’appuyer sur l’effet groupe en travaillant avec ces enfants en échec à part du groupe-classe. Ainsi, on suscite la solidarité, on favorise l’identification (on a tous la même difficulté) et on peut rétablir le lien avec la norme.
Il est enfin nécessaire d’enseigner des choses que les enfants sont capables d’apprendre et si besoin est, de s’éloigner des programmes.
Le désir d’apprendre
Dans le monde enseignant, on a souvent l’idée qu’à partir du moment où on a géré le sentiment d’échec, le désir d’apprendre va émerger de façon spontanée. Or, l’expérience nous montre que cela ne marche pas. Le groupe d’élèves ronronne.
Le désir d’apprendre n’est pas naturel. Le rapport au savoir est plus complexe et ambivalent. En effet, tout être humain est traversé par une volonté de savoir, une volonté de contrôle, réminiscence de notre toute-puissance et par une volonté de ne pas savoir qui renvoie à la volonté de masquer la réalité de la mort, de notre propre mort.
Les enseignants, fanatiques du savoir, ont souvent du mal à comprendre et à accepter qu’un élève n’aime pas ou ne puisse apprendre leur discipline. Il est pourtant salutaire de renoncer à la pulsion épistémique (curiosité intellectuelle) et au pouvoir lié au savoir. Etre passionné par sa matière et montrer l’intérêt de celle-ci pour lui est une des voies à explorer.
Enfin, il peut être utile d’accepter de prendre le relais d’étayage identitaire et se poser comme modèle dans le cas où les parents seraient déficients.
Mariette Strub